« Fais c’que je dis, pas c’que je fais
On a tous, un jour ou l’autre, été confrontés à cet aphorisme. De la part de nos profs, de nos parents. Je les surveillais du coin de l’œil - surtout les profs, dont quelques bonnes sœurs qui m’ont enseignée une discipline de fer – afin de les prendre en défaut. Le résultat est que je ne supporte aucune contrainte en dehors de celles que je m’impose. Du haut de mes 7 ans, 14 ans, 18 ans, j’avais envie de pouvoir leur faire remarquer : faites ce que je dis, pas ce que je fais hein !
Tout était rigide : on ne devait pas parler à la chapelle, et encore moins au dortoir la nuit, « c’est beaucoup plus grave mesdemoiselles » ! Comme j’étais déjà exploratrice, j’ai cherché à comprendre pourquoi c’était plus grave que de parler devant le saint sacrement ! Et j’ai vite compris que les filles faisaient autre chose que de chuchoter sous les draps !
Alors, en exploratrice en socquettes, je suis moi aussi partie à la découverte de l’interdit. Merci les bonnes sœurs ! Quel délicieux péché que la transgression ! Je n’en connais pas de meilleur ! Et quels délicieux chuchotements j’ai connu grâce à ces prohibitions. Avec le recul j’ai compris que les délices du péché venaient de ces transgressions. Pas d’interdits, pas de transgression : pas de plaisir ! Aujourd’hui, presque tout est permis, quel ennui !
Le général Prayut, chef de la junte thaïlandaise, veut remettre les interdits ou plutôt imposer une discipline de fer et des devoirs scolaires sous forme de propagande. Je veux parler des « 12 commandements » de la morale de la « pure thaïness » : amour de la monarchie, du drapeau et de Bouddha - honnêteté - patience et bonté envers les autres - gratitude envers parents et profs - persévérance dans les études - résistance à la tentation et à la possession des biens (bon pas plus de 128 millions de bahts, 26 millions de « petites choses », 9 pistolets de 253 000 bahts, 8 amulettes de 640 000 bahts, diamant et des boucles d’oreilles d’1,2 millions. Des broutilles !), ensuite faire passer les intérêts des autres avant les siens propres…
Beau programme qui relève du bon sens direz-vous, pas besoin de répéter ça tous les matins comme des perroquets que sont presque tous les élèves thaïlandais. Perroquet un jour, perroquet toujours. Bons élèves biberonnés à la thaïness deviendront citoyens dociles qui ne poseront ni ne se poseront jamais de question. De bons robots « thaï-thaï ». MAIS ! Il n’est pas exclu que certains petits canards de la couvée, se révèlent cygnes sauvages et rebelles qui, avec le temps goûteront aux délices de la transgression. Et qui sait, deviendront peut-être des révolutionnaires, des meneurs d’hommes, des philosophes, des remueurs d’idées, des planteurs de cannabis, des agitateurs politiques, de la bonne-mauvaise graine en somme !
Prayut a tout compris qui a élevé ses deux filles jumelles, Nittha et Thanya, de « façon démocratique » (ce sont elles qui le disent !) Elles voulaient faire de la musique, jouer les punkettes dans un groupe de « punk rock » appelé « BADZ », no problèm, elles jouaient même dans les pubs et leurs parents ont insonorisé tout un étage de leur maison pour qu’elles puissent jouer de la musique, guitare et batterie. Il ne leur a jamais rien imposé, en bon libéral qu’il était pour sa famille (« fais ce que je dis pas ce que je fais » !) D’ailleurs « notre amour de la musique est né lorsque notre père nous emmenait en voiture à l’école tout en nous faisant écouter des chansons des Beatles » ! jring jring la ! Du coup, les jumelles sont allées étudier à la prestigieuse université Chulalongkorn, puis en jumelles de riches, dans une université australienne.
Le gros problème des généraux, c’est leur obsession de la droiture militaire pour tous. Une éducation basée sur l’idéologie, la propagande, le « répétitisme », le « perroquétisme » (ce n’est pas dans le dictionnaire, je viens de l’inventer). Une éducation qui risque de donner le goût de la transgression à quelques-uns qui deviendront, je le souhaite, des originaux, des révolutionnaires, des rebelles, des poètes, des indomptables, de beaux voyous, des braves, des intrépides, de vrais écrivains avec des vrais points de vue, des romanciers, des voyageurs, des fouteurs de merde quoi ! Vive Prayut !!
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