En Thaïlande, beaucoup de filles se prostituent pour survivre certains hommes entrent au monastère. Il y a quelques années, mon compagnon se faisait moine pour 49 jours... J'allais lui rendre visite dans le temple de sa ville natale à Utaradit :
"Privations, quasi jeûne, méditation ont assagi le fringant ex-champion de "muay thaïe", sa démarche est mesurée, son regard est modeste et il s’est mis à utiliser un étrange langage de moine-visionnaire, un moine qui aurait fait une incursion, non pas dans le monde des morts, mais dans les étranges cercles infernaux des renaissances.
La jolie phrase : « Nous nous sommes déjà rencontrés dans une autre vie » n’avait été pour moi qu’une stratégie de séduction lors de notre première rencontre. Aujourd’hui, revêtu de la robe orange, les pieds meurtris par les marches matinales lors de la quête traditionnelle de nourriture à l’aube, le manque de sommeil dû aux heures intenses de méditation, le froid humide des petits matins protégé par le simple drap réglementaire, mon moine préféré tient des propos de visionnaire. Loin de moi l’idée de me moquer en relatant ce qui va suivre, je respecte trop l’homme et sa religion. Le principe même du bouddhisme est la croyance aux multiples réincarnations, jusqu’au Nirvana suprême, but ultime de toute vie, celui où enfin le corps physique n’aura plus à se réincarner et avec lui, son chapelet de souffrances.
Au cours d’une méditation qui l’a fait voyager dans le temps, « Phra Anusorn » me raconte avec une émotion troublante que nous nous sommes déjà rencontrés dans une autre vie. C’était dans une région qui n’avait pas encore de frontières définies, quelque part aux confins du Laos, Vietnam et Siam (peut-être la région Isan qui s’appelait alors le royaume d’Issana).
J’étais alors soldat français, répondant au nom de Logdé (transcription approximative de l’écriture thaïe au français). Gravement blessé au cours d’une escarmouche, Anusorn m’aurait recueilli, soigné et raccompagné jusqu'à un très grand bateau qui devait me ramener en France. Avant d’embarquer, et pour le remercier, je lui aurais fait la promesse de l’inviter un jour à Paris. Ce qui fut fait au cours de cette vie actuelle.
L’émotion de mon moine était si intense que les larmes ont coulé sur ses joues. « Tu comprends maintenant pourquoi nous devions nous rencontrer ? » Une fourmi rouge est alors tombée de la tonnelle sous laquelle nous étions abrités du soleil, sur mon bras, me faisant sursauter violemment. Je ne sais pas si je dois être inquiète …
Le père abbé (Luang Phaw) a décidé deux jours de marche pour ses moines : deux fois 20 kilomètres, pieds nus, deux jours sous le méchant soleil pour rejoindre deux temples de villes voisines.
« Toi seule peut me relever de ces 49 jours » m’a alors dit "Phra Anusorn". J’ai pris ça pour un acte de soumission, confirmé par un : « Khun pen jao khong » : « tu es le maître de mon destin… (je t'appartiens)
Non je n'ai jamais eu une vie tout à fait ordinaire
Les commentaires récents