"LA VIE N’EST QU’UNE COURTE PÉRIODE DE TEMPS PENDANT LAQUELLE ON EST VIVANT"
J’aime être surprise, en voyage comme au cinéma. Impossible d’aller voir un film dont on a disséqué le scénario, interrogé les comédiens « tellement heureux d’avoir pu jouer le rôle de salaud qu’ils ont rendu si humains, ou de ce personnage exemplaire dont ils se défendent d’être le reflet » !! Je parle du cinéma français en général pour lequel chaque sortie est l’occasion d’interviews (publicité rabâchée) sur toutes les ondes et les chaînes, de déballages de teasers, de passages de bande-annonce. A quoi bon payer 12 euros quand on a déjà vu le film !
Devant les « 7 Parnassiens » de mon quartier, « American Pastoral » dont je ne sais rien, je ne fais même pas le rapprochement avec le sublime livre de Philip Roth « Pastorale américaine ». Un film vierge, donc. Le bonheur.
L’Amérique des années 50/60. Un pays modèle et maître du monde, et surtout maître de son destin « Le procès des criminels de guerre lavaient la terre de ses démons une fois pour toutes. La puissance atomique nous appartenait sans partage » écrit Philip Roth. Mais c’est aussi la guerre du Vietnam en toile de fond et les conflits racistes de Newark où habite une famille, elle aussi modèle.
Lui une sorte de héros, avec « une judaïté qu’il portait si légèrement ». Père modèle, mari modèle, patron modèle (il emploie beaucoup de noirs dans son usine de gants pour dames). La mère, superbe, ex miss New Jersey, élève des vaches à la campagne.
La fille, Merry, bégaye et dira plus tard à son père …. « Je bégayais car c’était le seul moyen de ne pas faire violence à l’air et aux choses qui y vivent »
Plus tard…. C’est-à-dire lorsque, révoltée et devenue militante pacifique, elle tue quelques braves américains en fabriquant et en faisant sauter des bombes au nom du pacifisme.
Erwan Gregor (réalisateur et comédien) a choisi un angle : les rapports de la fille avec son père, ce « héros », à qui elle lance, alors qu’il la recherche « Nous sommes contre tout ce qu’il y a de bien, de convenable dans l’Amérique des sales blancs. Nous allons tout mettre à sac, brûler, détruire. Nous sommes l’inoculation des pires cauchemars de ta mère ». Ça fait froid dans le dos
Les gens "biens" dans un pays "bien" engendrent parfois des monstres qui bégayent.
Ces mots ont une drôle de résonance aujourd’hui. « Tuer au nom du pacifisme ? « Tuer au nom d’une idéologie » ? « Tuer au nom d’une religion » ?
Le film se termine, glacial, sur une phrase de Merry écrite alors qu’elle était enfant et répondait à une maîtresse d’école qui demandait : » qu’est-ce que la vie » ? « La vie n’est qu’une courte période de temps pendant laquelle on est vivant » avait écrit la petite fille.
On sort secoué….
J’ai couru aussitôt acheter « Pastorale Américaine » de Philip Roth
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