« Si le présent était toujours présent ce ne serait plus le temps, mais l’éternité » Je cite approximativement Saint Augustin (à Kuala Lumpur, ça le fait !) Et ce temps, on ne peut pas le revivre non plus car il est déjà dans le passé. Et un passé parfois lointain.
Venir, revenir encore et pourtant garder l’enthousiasme de la première fois, même si la personne que je suis aujourd’hui n’est plus la même que celle d’hier. Je trouvais tout sublime alors : Kuala Lumpur et ses arbres millénaires qui faisaient « péter » le béton des trottoirs, ces arbres, derniers vestiges d’une ville d’Asie comme tant d’autres. Elle n’avait pas encore sa Tour Eiffel, en ce temps là, je veux dire ses tours jumelles Petronas, ni ses millions de touristes du Moyen Orient…seuls quelques routards amoureux inconditionnels de l’Asie dont je fus.
Une ville qui tente de copier la ville verte de Singapour
Avec le temps, le regard s’aiguise, l’essentiel étant de garder une certaine fraîcheur d’étonnement. Je la cultive. Avant tout était beau, les Malaises étaient Malaises, les Chinoises, Chinoises, la forêt vierge était dépucelée depuis un bout de temps, mais la violente emprise de la ville s’était faite au rythme des hommes (pas des saisons, elle est quasiment la même à longueur d’année) et non à la vitesse supersonique de l’électronique et du virtuel. Je trouvais les femmes belles, elles avaient douceur et modestie, candeur discrète et étonnement admiratif pour la blanche blonde que j’étais. En ce temps là, Mahatir n’avait pas encore fait « décoller » son pays. Quelques décennies plus tard, ce que la Malaisie a gagné en tours de béton, en kilomètres de palmeraies pour pots de Nutella, en trous de mines d’étain, elle l’a perdu en sauvage nature de forêt primaire. Pour devenir un Tigre d’Asie, elle a sacrifié ses vrais tigres.
Des tours omniprésentes, la tour Eiffel de Kuala Lumpur
En débarquant à KL pour la énième fois, hier à minuit passé, et après 17 heures d’avion, un peu « ensuquée » par des Xanax qui ne font plus leur effet avec le temps, je prenais un taxi en direction de mon hôtel dans le cœur de la ville appelé ici KLCC (Kuala Lumpur Convention center), tellement contente de sentir la terre ferme sous mes pieds (les capricornes n’ont pas d’ailes, sont pas des anges non plus, ne volent pas mais rêvent toujours de partir et surtout d’arriver si possible, sans prendre les moyens de transport ad hoc. Oui, je suis capricorne, signe de terre, mal à l’aise dans tout ce qui repose sur l’air, avec ou sans trou) Donc… un peu zombie je débarquais, avec deux ou trois heures de sommeil seulement, mais assez d’enthousiasme dans le regard et le ton, pour que le chauffeur me fasse remarquer illico et joyeusement : « c’est donc la première fois à KL ? » J’éclatais de rire et lui débitais, à son grand étonnement et à toute vitesse, quelques phrases en malais– quelle délicieuse langue, sans ton, mais pas sans mélodie… Dites « sama sama » à la française, puis à la douce façon chantante malaise : rien à voir – ( « sama sama » c’est ce que l’on répond à quelqu’un qui vous dit « merci » « terima kasih » ça peut se traduire par merci ou « de même » ou "de rien")
Alors oui, j’ai encore de l’enthousiasme à revendre, avec en plus l’esprit critique qui lui s’est aiguisé avec le temps.
Wait and see.
C'est la saison des pluies, c'est toujours un peu la saison des pluies
Un temple chinois au milieu de la ville, sous le regard des tours Pétronas
Les commentaires récents