Entre accident de moto, piqures de moustiques qui s’infectent, départ de Udhi, fêtes de la mort sur fond de Gamelan, tour de l’île en moto, nuits torrides, Noël et Nouvel An sous les tropiques, battements de cœur avec le « Barong », transes avec le « Kecak », et deal avec « Rangda » la sorcière, et évanouissement une nuit dans un restau en plein air, on quitte Bali pour Java. Comme je suis mal en point, comme on est tous fatigués parce qu’on dort mal, et qu’on mange mal, on prend un petit Fokker pour rejoindre Jogjakarta…
J’avais intitulé cette partie de mon récit « Comme une fleur sur un tas de fumier » !
Nous sommes fatigués, épuisés et sales après plus de deux mois de douche-casserole froide à Kuta. Je rêve d’un palace où l’on pourrait dormir, d’une chambre fraîche, d’une salle de bains et surtout d’eau chaude… enfin ! Ça frise l’obsession. Mais c’est trop cher. Palaces inabordables.
Tu te souviens me demande Pierre « ces 2 employées d’Air France rencontrées à Bali. En tant que personnel de cette compagnie, elles bénéficient de prix spéciaux dans tous les hôtels de chaînes internationales. Suffit qu’elles montrent leur ID » Pourquoi est-ce que je ne prétendrais pas travailler pour UTA par exemple ? Si on me demande ma carte de service, je dirai que je l’ai perdue, oubliée, ou qu’elle a été volée. Si ça marche tant mieux, si ça ne marche pas, au moins on aura essayé.
La décision prise, on s’embarque dans le bus privé de l’Ambarrukmo, unique palace de Jogja. Impressionnant ces 20 étages de béton au-dessus des bidonvilles de bois et de tôle ondulée et situés à quelques kilomètres du centre-ville. Pas le moment de fléchir.
J’avance, seule, très sûre de moi, jusqu’à la réception et m’inquiète auprès de la réception, de la réduction accordée au personnel volant des compagnies aériennes, et, dans mon cas, de la Cie UTA French Airlines. « Votre carte ? » Je suis confuse, mais toujours avec un énorme sourire « on me l’a volée ainsi qu’une somme d’argent à Kuta ».
Cette première tentative est importante, car si on nous accorde cette réduction, elle figurera systématiquement sur la facture, celle-ci pourra servir ultérieurement de preuve, si l’envie nous prend de nous « retaper » dans un autre hôtel de luxe…
L’employé hésite quelques secondes, je lui offre mon sourire le plus charmeur, et il répond OK. « fifty % » 50 % ! Je réprime une folle envie d’éclater de rire de joie, je me retiens de lui sauter au cou, d’autant qu’il est super mignon ce gentil Javanais qui ne se doute pas un seul instant de la supercherie. Je fais un signe de la main à Pierre et aux enfants : Vite les bagages et tout le monde dans la chambre avant que l’on nous pose davantage de questions.
Je ne suis pas prête d’oublier cette chambre 237 de l’Ambarrukmo : moquette épaisse, tenture d’un bleu profond et surtout baignoire avec eau brûlante, serviettes éponge pour s’enrouler voluptueusement dedans. On se récure au savon aux armes de l’hôtel, on se décape pour faire peau neuve, on se frictionne avec les draps de bain qui sentent bon la lessive. Sans regarder à la dépense on envoie toutes nos nippes à la « laundry » de l’hôtel.
Dans la Salle à Manger de l’Ambarrukmo, température polaire, couverts en argent, nappes blanches et serveurs en costume traditionnel javanais. « Attention les enfants, ne mangez pas avec les doigts, les salières de cristal ne sont pas des jouets, on n’est plus à Kuta ».
Après la chambre moquettée, la douche brûlante et le lit moelleux avec matelas et draps lisses et doux, on pourrait aussi bien être en Suisse ou aux Etats Unis, excepté les costumes traditionnels des serveurs qui nous rappellent que nous sommes bien à Java.
Du haut de ce bloc de béton, cet îlot de luxe hiltonien, aseptisé et insonorisé, on domine toute la campagne javanaise : rizières inondées et verdoyantes à perte de vue. La climatisation maintient la température de la chambre autour de 22 ° Lorsqu’on franchit la porte de la réception, on est soudain assommés par la chaleur moite, une humidité annihilant toute notre énergie.
Et finalement, je me demande si nous n’avons pas eu tort de nous arrêter dans cet HLM de luxe de nulle part, symbole de la civilisation occidentale et si l’air conditionné n’est pas en train détraquer la santé.
Allez, ça en est trop du luxe ! on ne va pas se laisser envelopper par la facilité. Avec enfants et bagages, plutôt bien retapés par cette étape luxueuse, à l’Ambarrukmo, l’aventure continue. En route pour Borobodur.
Merci et pardon à UTA et surtout au garçon de la réception.
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