Pas besoin de ganga ou d’omelettes aux champignons magiques (champignons hallucinogènes du « Garden Restaurant de Kuta) pour se sentir « en voyage », j plutôt la mort que de devoir rentrer là, tout de suite, c’est pourtant ce qui a failli nous arriver.
Dans la nuit, porte ouverte sur la véranda pour un peu d’air frais, quelqu’un s’est introduit dans notre chambre durant notre sommeil. Dans une valise attachée par une solide chaîne métallique au pied d’un lit, se trouve toute notre « fortune ». Cette chaîne est fermée par un cadenas dont la clé est cachée sous une pile de linge dans une armoire. Vol sans effraction, sans le moindre bruit. Sommeil naturel ou artificiel ? L’appareil photo et le magnétophone n’ont pas intéressé le voleur, ni les traveller’s chèques, ni les billets d’avion ni les passeports Sauvés ! Ont disparu : une montre en or, l’équivalent de 700 francs en roupies et une mallette bourrée de films (que mon fils retrouvera deux jours plus tard, dans l’enceinte du petit temple familial.) Seul l’argent liquide a intéressé le voleur. Un local ou un routard qui n’avait pas envie de rentrer chez lui ?
… Aucune info politique ne transpire jusqu’ici, juste entendu parler de bagarre à TIMOR (colonie portugaise revendiquée par l’Indonésie) par des australiens dans la panade. Les vols sur Darwin, avec escale à Dillin, ont été supprimés. Panique dans la colonie australienne, car tous ces fous de surf ne quittent Bali que lorsqu’il ne leur reste plus une seule roupie. JEAN-PIERRE, notre voisin, diplômé en Sciences économiques, se trouve lui aussi, dans cette situation. Fils de bourgeois Belges, il casse des cailloux ou travaille dans les mines du Queensland en Australie. MARTINE sa copine souffre d’une dysenterie amibienne attrapée en Inde. Plus responsables, à cause des enfants, nous sommes partis avec une provision de médicaments, alors on vient régulièrement nous solliciter pour une fièvre, une diarrhée ou une crise de palu. Un matin, SEBASTIEN nous entraîne dans un losmen où loge une australienne brûlante de fièvre qui n’a rien avalé depuis plusieurs jours : plus d’argent, alors elle attend « que ça passe ». « J’ai attrapé le palu en Malaisie » nous dit-elle en frissonnant. On lui donne de la nivaquine pour quelques jours, mais je ne saurai jamais si son état s’est amélioré, les Australiens ne s’embarrassent pas de politesses. Au cours de ce long périple on en croisera souvent, sans qu’aucun lien ne se créé entre nous. « Des sous-développés intellectuels » disent d’eux les Européens, « ils ne s’intéressent qu’au sport ».
… Des lettres de France ! Les parents sont inquiets. D’autres, se posent des questions sur les motifs qui nous ont poussé à tout plaquer pour voyager. "Nous aurions tout quitté par lâcheté. En fait, nous avons pris la fuite et gnagnagna….!!!"
J’entends les réflexions des envieux : « mais tout le monde a envie de voyager, ce n’est qu’une question de fric » ! (On a fait un petit héritage). Les rationalistes pensent déjà à notre réinsertion future dans le « système ». Ils s’en foutent, mais se délectent à l’avance des problèmes auxquels nous risquons d’être confrontés à l’issue de ce voyage. On ne part pas impunément, on ne fait pas un pied de nez à la société après avoir mis la clé sous le paillasson, en disant « salut la compagnie, on va voir ce qui se passe de l’autre côté de la planète », sans devoir en « payer le prix ». Nous sommes des fous, des inconscients. Et vous vous rendez compte, avec deux enfants » !
Bah ! Un an d’éblouissements et de coups de poing à l’estomac valent bien tous les emmerdes que nous risquons de rencontrer à notre retour en France ! C’est si loin. et je ne demande pas à ceux qui nous critiquent de comprendre mais de se taire, de ne pas chercher à expliquer notre voyage comme une quête d’un bonheur impossible, la quête du « mouton à cinq pattes » comme ils disent ! Allez-y ! ce n'est pas si facile d’abandonner un job (on a démissionné tous les deux), une maison (pas payée mais qu’on a loué afin de payer les remboursements à la banque), une vie tranquille pour partir le nez au vent, mais qu'est-ce que c'est jouissif !
J’ai envie de hurler que le monde est étonnant, que j’aime Bali, ses danses, sa culture et surtout les visages d’ambre des Balinais, leurs corps imberbes et lisses et même jusqu’à leur façon de marcher en traînant des pieds. Ils ont le temps. Pourquoi pas nous ?
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