Balenciaga le magicien de la dentelle
Grand nom de la couture, Cristobal (loin des loufoqueries de Pierre Perret et de son tonton), Cristobal Balenciaga était beau comme un dieu, un dieu espagnol né du côté de Guetary, comme Georges. D’ailleurs, même allure de grand d’Espagne, d’hidalgo aux cheveux sombres gominés, comme il seyait aux hommes de cette époque : Tino Rossi, Luis Mariano. Sur la photo devant laquelle je m’arrête, médusée par tant d’élégante décontraction, Balenciaga porte un costume croisé déstructuré, genre Balmain . Lui, il a habillé les aristocrates de la cour d’Espagne et leurs cousines de Belgique et puis Grâce Kelly, Annabelle Buffet, Elisabeth Taylor et quelques autres.
Ces robes de dentelle pour grands ou petits cocktails sont inspirées des peintures de Goya (un peu too much à mon goût). J’avais envie de faire oleh ! devant chaque vitrine. Robe de Duègne avec mantille (ici aussi on oublie Louis de Funès et sa « folie des grandeurs »).
Les robes de Balenciaga sont présentées sur des mannequins d’une autre époque, les années 50/60 : buste court et poitrine ronde. Aujourd’hui les couturiers habillent des porte-manteaux anorexiques d’à peine plus de 15 ans, au buste long, aux jambes sans fin, sans taille marquée et sans hanches non plus. Cristobal habillait des princesses, des reines, de celles qui se rendaient aux corridas ou apparaissaient aux fêtes votives de Séville. Trop d’espagnolades pour moi.
Si je devais enfiler une de ces robes, j’aurais sûrement l’air d’une duègne endimanchée.
C’était un coupeur magistral a dit de lui Hubert de Givenchy, moi je trouve ses coupes trop froufrou, trop volantées, trop fandango avec sombréros et mantilles et des airs de séguedilles et puis des señoritas si brunes…. Mais je me laisse aller !
Une robe de Balenciaga, si on m’en offrait une, je la mettrais dans une vitrine avec l’éclairage ad hoc, pour le plaisir d’entendre un petit garçon de huit ans, discourir sur les fleurs de dentelle qui évoquent le printemps, puis peu en peu en montant, l’été et même l’automne.
Je m’arrête, car ce n’est pas une illusion, un petit garçon accompagné de sa grand-mère, s’exprime, volubile, devant les modèles des vitrines du musée. Il veut être designer, zoologiste ou linguiste. En riant je lui demande « Nǐ hǎo ?» en chinois, il me répond du tac au tac : « wǒ hěn hǎo » Eh oui, il a 8 ans et il apprend déjà le chinois ! Il est plein de questions, curieux, attentif, charmeur, intelligent. Il veut tout savoir sur les tenues des femmes des ethnies de montagnes où je me balade en Asie. Il est à l’aise, ne me considère pas comme une vieille emmerdeuse, on parle d’égal à égal. Je promets de lui envoyer des photos d’ethnies de Chine, du Vietnam, de Birmanie. « C’est sûr hein ? » « J’aimerais bien aussi avoir ton numéro de téléphone, comme ça on pourrait se parler » « Que fait ta maman ? » je lui demande « elle travaille au parlement européen » « Et ta mamy ? » « Je l’appelle Amy, elle est artiste peintre, elle a déjà exposé à Paris ». Lorsque je lui écris mon nom et mon adresse email, à sa demande, il me confirme que c’est bien l’archange Michel qui veille sur moi. Tandis que pour lui, c’est Gabriel. Il s’appelle d’ailleurs Gabriel.
J’ai déjà envoyé une photo à Gabriel : lui face à une robe de mariée digne des jardins d’Aranjuez. Il m’a répondu, comme un adulte, en me disant combien il avait été content de pouvoir bavarder avec moi et d’avoir appris beaucoup de choses. Pas une seule faute d’orthographe. 8 ans !
Et Gabriel l’éloquent dont je pense qu’il sera sûrement un jour linguiste-romancier, étudie dans une école privée. Etait-il nécessaire de le préciser ?
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