Très bel article d’Arnaud Dubus dans le quotidien Libé de ce matin. « Rangoon, pierre précieuse »
Il raconte le premier voyage à Rangoon de Thant Myint-U, petit-fils de U-Thant (diplomate birman, secrétaire général aux Nations Unies de 1961 à 1971), un voyage mouvementé avec les étudiants opposés à la dictature. Le cercueil de U-Thant détourné et gardé dans l’enceinte de l’université de Rangoon, les étudiants réclamant des funérailles nationales au héros de la cause démocratique.
La fascination exercée par Rangoon sur les visiteurs est incontestable, tout comme celle de Paris sur les américains ou les chinois découvrant la France et son patrimoine. Mais pas seulement Paris : Lyon, Marseille, Bordeaux etc… Chaque ville possède un charme souvent lié à son passé donc à son Histoire.
« Mynt U-Thant, historien incontournable sur la Birmanie, attristé par la dégradation du patrimoine, a décidé, avec un groupe d’amis de mettre sur pied une fondation pour tenter de préserver le cœur du vieux Rangoon, ville unique où, le prix du mètre carré actuel est plus élevé qu’à Manhattan » (Arnaud Dubus)
La ville est livrée aux promoteurs, aux magnats de toutes sortes, aux investisseurs étrangers et locaux qui veulent remplacer les bâtiments historiques par des buildings modernes, au nom du rendement, du fric rapidement gagné.
En Chine, l’urbanisation massive gomme le passé, efface de la carte des villages entiers. Des villageois protestent, forment des chaînes chaque nuit pour empêcher l’arrivée de bulldozers. Reste pour certains, la solution ultime, le suicide.
Cela se passe également en catimini à Bangkok, du côté de Lumpini dont les terres autour du parc appartiennent à qui vous savez.
Cela se passe au Cambodge où l’on chasse les propriétaires des quartiers anciens au profit d’immeubles modernes. Christine Chansou et Vincent Trintignant ont fait un admirable documentaire intitulé « Même un oiseau a besoin de son nid »
Au Vietnam, au nord d'Hanoï, où j’assistais à la révolte d’une poignée de villageois dont une vieille femme avait pris la tête « la guerre a pris mon mari, puis elle a pris mon fils et maintenant le gouvernement veut prendre ma maison »
Sans compensation, ou tellement ridicule par rapport aux profits engendrés par les nouvelles constructions. (Bien qu’en Chine le gouvernement aie construit des villes entières complètement fantômes)
Le monde moderne, le monde du profit, du fric, fait de la moitié des peuples de la planète, des déracinés ;
« L’homme est un texte écrit par son milieu, sa famille, la société… le temps » écrit Julia Kristeva.
Il y a dans l’homme, qu’on le veuille ou non, qu’on le combatte ou non, un incroyable besoin de « croire » et « d’appartenir », c’est bien pour ça que nous vivons toutes ces crises existentielles.
Car en démolissant, en niant, en effaçant le passé (quel qu’il soit) on assiste à une « déconstruction de l’humain »
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