« Rester à sa place », ça ne vous dit rien cette notion-là ? Moi, ça me parle tous les jours ici. Que ce soit en politique, dans mes relations avec les gens, dans la vie, dans la rue… Les ultras royalistes tiennent beaucoup par exemple, à ce que « chacun reste à sa place » : les privilegiés avec les privilegiés, les « khwaïs avec khwaïs » (« buffle »), façon péjorative qu’ont les riches et les privilégiés (ammart) de nommer les « pauvres » (phraï) en Thaïlande.
Il y a un vieux dicton en français qui dit : « chacun à sa place et les vaches seront bien gardées ». Remplaçons les vaches par les buffles et… on change de continent. Bien sûr il y a une infinité de nuances entre « phraï » et « ammart », mais chacun, ici, tient son rang – question d’éducation et de culture - ce qui permet sans doute cette sorte d’harmonie non conflictuelle. J’ai remarqué - alors que je marche souvent dans la foule, celle des marchés, des festivals – à quel point je ne me sentais jamais bousculée, agressée en Thailande.
Les thaïs ont cette infinie grâce, non pas de « marcher » comme nous, « farangs », mais d’onduler. Onde. Peuple de l’eau. Ils ont cette aisance innée, ce don d’avancer comme ils parlent, en évitant toujours l’accrochage, la bousculade, la provocation, la confrontation. Sinon c’est « Yim ko Ying » (souris et tue). Ils ne jouent pas des coudes, ils se faufilent. Ils ne bousculent pas, ils se glissent. Ils n’agressent pas, ils se courbent.
Le fils du chauffeur dans le songthaeaw, au retour de Sansai
Au retour de la fête des « yi peng » à Sansaï, notre songthaeaw s’est trouvé coincé dans un embouteillage rocambolesque tandis que l’orage grondait, que le ciel soufflait à arracher les branches des arbres. Deux jeunes, croyant à un transport en commun, grimpent à l’abri de notre songthaeaw privé, loué pour l’occasion. L’approche du chauffeur et de mon « chéri » assis à l’avant (tandis que je suis à l’arrière avec sa femme et son fis), n’est pas très sympathique. « Non, c’est privé, vous ne pouvez pas monter ». Moi, derrière, comprenant qu’ils sont français, je les fais monter.
A l’aller, la conversation s’était installée entre la très polie japonaise Hitomi et la timide femme du chauffeur - vite rassurée lorsque je lui parlais en thaï. Au retour, dès que les deux français sont à bord, la conversation éclate, enthousiaste. Nos deux français sont à peine là d’une semaine qu’ils sont tombés amoureux de la Thaïlande (ou tout court, faut pas plus d’une journée pour ça !!) sans en avoir la plus infime approche de sa realité.
Ils emplissent l’espace de leur exaltation, de leur naïveté, sans se rendre compte qu’ils ne sont « qu’invités ». Ils parlent fort, gesticulent, leur bras moulinent l’espace, passent devant le visage de la femme du chauffeur. Je la vois "rétrécir", se faire toute petite. Elle etait joyeuse à l'aller, elle est "eteinte" au retour. Son sourire est figé, mal à l’aise. Je fais comprendre au français que son comportement n’est pas « thaï-thaï », je lui prends même le bras pour le remettre dans l’axe de son corps à lui, et je m’excuse auprès de la femme du chauffeur : « Ils adooooooooorent la Thaïlande" ! Comme si c'etait une excuse ! Re sourire timide mais forcé. Deux secondes plus tard, les bras remuent à nouveau, le ton regrimpe au même diapason que quelques minutes plus tôt. Les deux français ne se rendent pas compte de la gêne de la femme à côté deux, c’est leur façon décontractée d’être en vacances, et sans doute « d’être » tout court.
A l’arrivée, mon ami me « tire la gueule », car l’un des français lui parle une « clop » à la bouche ou à la main, et alors que je leur conseillais de donner chacun 100 bahts au chauffeur, ils ont du mal à sortir un billet de 100 baht. Ces deux français, s’ils me lisent, sont partis s’en s’être rendus compte qu’ils s’étaient mal comportés (eh oui, c’est subtil la Thaïlande !) Mais chaque comportement (bon ou moins bon) laisse des traces…
Il leur faudra du temps avant d’apprendre que l’espace en Thailande est tout aussi imaginaire que réel. Et qu’ il y a mille fois plus de non-dit que d’explicite.
Les thaïs sourient, mais savez-vous comment ils appellent – en douce – ceux qui ne se comportent pas selon leurs standards : des « monkeys »
Un peu comme Barack O. lors de l'audience royale qui a les pieds pointés vers sa majesté. Pas Thaï-thaï mais en même temps généreux dans son comportement !
Moi pour faire Thaï-thaï en Thaïlande, je ne laisse pas percevoir ma joie d'y être. Aucune exubérance de ma part ! Tout comme en France avant de partir. Mais là pour ne pas créer un sentiment de jalousie de certains de mes collègues à mon encontre... En même temps, il y a peut-être aussi des thaïlandais(e)s jaloux de ma condition de touriste ? La Thaïlande est vraiment dure à vivre voire éprouvante pour un(e) farang qui se respecte ! Dans un sens général, il faut faire preuve de conciliation. N'est-ce pas Malee ?
Rédigé par : Chris NN | 27/11/2012 à 01:35
Bonjour Chris... Ce n'est pas si complique apres tout, suffit de regarder autour de soi, d'essayer de comprendre, ne pas etre un touriste qui pense que seule sa propre culture est la bonne. celle de la verite brutale, des questions directes... Faut attraper un peu de la subtiite thaie (que les europeens appelent souvent de la "faussete").. ET si on se trompe ou commet des bevues, les thais ne diront rien, par politesse, parcequ'ils n'aiment pas les conflits. Ils n'en pensent pas moins et nous donnent des noms d'oiseaux,(khi nok par ex : caca d'osieau !)mais ce ne sera jamais frontal. Entre la France et la Thailande, je prefere - en general - vivre en Thailande.
Les thais jaloux des touristes ????? surement pas..je n'en ai jamais rencontre. Ils pensent trop que leur pays est le plus beau, le plus merveilleux du monde...ce que les occidentaux appellent leur "nationalisme".... alors non, ils ne nous envient pas. Ils aimeraient parfois avec l'argent des occidentaux, (enfin ceux qui en ont vraiment), mais ca c'est different. Ils sont tellement riches et fiers de leur culture. Que peuvent ils nous envier ? le fait que nous nous deplacons facilement dans le monde lorsque nous en avons les moyens ? Eux preferent visiter les temples de leur pays...
Les thais riches de Bangkok commencent a voyager seuls.. mais c'est tout recent..
Bien a vous Chris...
Rédigé par : Michèle Jullian | 27/11/2012 à 02:35